Pas de nouvelle carrière à Châteaugay, ni ailleurs !
Bonjour à toutes et à tous, dans ce nouvel article nous allons aborder un des arguments phare des porteurs du projet de carrière à Châteaugay : le besoin de cailloux, les précieux granulats. Nous présentons ici des faits et des chiffres qui nous permettent de juger qu’il n’y pas pas besoin d’une nouvelle carrière à Châteaugay, ni ailleurs.
Les carrières, de Châteaugay et d’ailleurs
Il faut relativiser l’importance de la carrière actuelle de Châteaugay et sa place dans la production des ressources en granulats du département. On lit très clairement dans le schéma départemental des carrières que les 120 000 tonnes annuellement produites à Châteaugay représentent une quantité limitée :
La production majeure est maintenant celle de roches massives, pour laquelle les 5 carrières les plus importantes participent à 87 % de la production (Combronde, Pardines, Saint-Julien de-Coppel, Vensat, Vichel). Les échéances de 4 de ces carrières vont au-delà de 2030, ce qui permet d’avoir de bonnes réserves en roches massives.
Schéma départemental des carrières du Puy de Dôme, 2014
Voici un tableau qui détaille ces 5 carrières, ainsi que 4 autres qui se partagent donc les 13% restant de la production.
Lieu | Tonnage annuel | Situation |
Combronde | 300 000 | +20 ans |
Pardines | 400 000 | +20 ans |
Saint-Julien de-Coppel | 400 000 | +10 ans |
Vensat | 490 000 | +20 ans |
Vichel | 480 000 | +20 ans |
Saint Pierre le Chastel | 350 000 | +20 ans |
Saint Jean des Ollières | 220 000 | +20 ans |
Mur sur Allier (Vertaizon) | 215 000 | Extension stoppée |
Châteaugay | 200 000 | fin en 2022 |
La carrière de Vertaizon (Puy de Mur) n’a pas obtenu l’autorisation de poursuivre son exploitation. Malgré les efforts du maire de la commune (voir plus bas, les Châteaugayres semblent connaître le même problème avec leur maire). Le projet de carrière à Châteaugay est un simple calcul mathématique des exploitants. Les 215 000 tonnes de production à Vertaizon et les 200 000 tonnes à Châteaugay doivent mécaniquement se retrouver dans le projet de plus de 300 000 tonnes à Châteaugay. Peu importe que la production actuelle et future soit suffisante. Nous allons tâcher de le démontrer.
Réemploi, recyclage et nouveaux matériaux
Le secteur du bâtiment produit des volumes de déchets considérables. Le taux de recyclage est encore trop bas, bien en-deçà des valeurs pourtant fixées par la loi.
Chaque année, le secteur du bâtiment produit 46 millions de tonnes de déchets. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), seuls 45 % à 47 % de ces déchets sont aujourd’hui valorisés, bien loin des 70 % prévus à l’horizon 2020 par la loi du 17 août 2015
Le Monde, comment faire du déchet une ressource !
Il est pourtant possible de faire beaucoup mieux et diminuer encore notre dépendance aux granulats. Ceci est d’autant plus important que la roche n’est pas une ressource renouvelable. Trois leviers sont disponibles :
- le réemploi : on réutilise directement les déchets
- le recyclage : on transforme les déchets avant de les réutiliser
- les « nouveaux » matériaux : on redécouvre les propriétés stupéfiantes du bois
Le réemploi progresse malgré des débuts hésitants (Le Monde). Cette pratique doit se développer car elle représente un enjeu pour l’avenir. En effet le BTP produit 70% des déchets en France et utilise 50% des ressources naturelles. Ressources qui sont non renouvelables, il faut donc changer de méthode (Ademe et R-Aedificare). Cette logique mise en oeuvre évitera de saccager le plateau de Lachaud et laissera une nature préservée pour les générations suivantes. Nous vous laissons juger avec le photo-montage qui illustre cet article avec une vision réaliste du plateau de Lachaud en 2050.
Le recyclage des déchets du bâtiment n’atteint pas encore les niveaux fixés par la loi. C’est pourtant possible. Une portion d’autoroute a été entièrement réalisée à partir d’éléments recyclés en 2019 (Bouygues). Et l’atteinte des objectifs de recyclage (passer de 45-47% à 70%) permet tout simplement d’effacer le besoin de création d’une nouvelle carrière de Châteaugay.
Mise à jour (novembre 2020) : En page 9 du magazine « Puy de Dôme en Mouvement » de l’automne 2020 (n°204), l’article « Quand le bitume devient plus vert » donne tout son sens à cette réflexion. Le recyclage fonctionne, permet d’économiser 100% de la ressource et se trouve même être moins coûteux et moins polluant.
L’utilisation de bois comme matériaux de construction progresse. Et on ne parle plus de simple maison d’habitation, mais bien d’immeubles ou de quartiers entiers ( un gratte-ciel en bois fait la fierté de la Norvège, l’éco-quartier Saint Jean à Clermont-Ferrand ! ). Le bois permet de tenir les objectifs de décarbonation bien sûr mais évite surtout l’épuisement des ressources (granulats, sable), non renouvelables ! Encore un argument en faveur de la diminution de besoins en granulats pour les années futures.
Le climat change, la politique aussi, adaptons-nous !
En Auvergne le climat change, chacun peut en prendre conscience. Épisodes caniculaires plus longs et plus fréquents, sécheresse, peu ou plus de neige ces derniers hivers : les premières abérrations climatiques sont observées en Auvergne.
Désormais, on sait que c’est la naturalité des espaces qui permettra une adaptation au réchauffement climatique. Il faut favoriser le fonctionnement naturel et la résilience des milieux. »
THIERRY LEROY (conservateur de la RNN de Chastreix – Sancy)
Les pouvoirs politiques commencent à réagir à cette situation. Ainsi le ministère chargé de la ville et du logement annonce son ambition de construire des villes sobres, résilientes et solidaires avec leurs habitants pour atteindre une ville neutre en carbone à 2050. Les besoins en granulats vont mécaniquement diminuer avec la mise en place de ces politiques. Matériaux bio-sourcés, reconquête de la biodiversité et protection des espaces verts, tout ceci est en parfaite contradiction avec ce projet de nouvelle carrière.
Pourquoi nos élus cèdent-ils au lobby industriel ?
Pourquoi cherche-t-on à nous convaincre à tout prix que ce besoin en granulats est crucial ? Voici un exemple frappant : en 2016 le maire de Vertaizon écrit une lettre poignante à la préfecture du Puy de Dôme. Il demande à madame la préfète de ne pas classer le site de Puy de Mur au titre des monuments historiques. Ceci afin de permettre l’extension d’une carrière de roche massive, gérée par le même exploitant qui officie à Châteaugay. Il est tout particulièrement préoccupé par le risque de pénurie de matériaux de construction.
… cette carrière est l’une des réponse au déficit en matériaux de l’agglomération […]. Je suis particulièrement préoccupé par cette situation. […]. […] je vous demande aujourd’hui de le confirmer qu’il n’y aura pas de votre part de classement d’office du site au titre des Monuments Historiques.
Jean-Paul Prulière, maire de Vertaizon, 2016
Et pourtant, à Saint Julien de Coppel, à 15 km de sa commune, Monsieur le Maire semble ignorer la situation de la carrière du Bois de Glaine. Carrière de roche massive comme celle du projet de Châteaugay, elle dispose d’une autorisation d’exploitation de 400 000 tonnes. Et pourtant… Elle peine à vendre sa production, en 2016, l’année où le maire de Vertaizon écrit sa lettre, en 2017 également.
Quel puissant lobby pousse nos élus à méconnaître la réalité de la situation au sein de leur propre territoire ? Quelles sont les incitations qui les poussent à mettre en scène de tels scénarios ? Pourquoi le maire de Châteaugay reprend lui aussi cet argument et adopte une position comparable à celle du maire de Vertaizon ?
Non la pénurie n’est pas là !
La pénurie qui était annoncée a été évitée par la relative constance de la production, maintenue par l’augmentation des tonnages autorisés pour les carrières restantes en périphérie du Grand Clermont. Le porter à connaissance de l’État recommande de s’en tenir à une consommation inférieure ou égale à 7 tonnes par habitant et par an.
SCoT (Schéma de Cohérence Territorial du Grand Clermont)
Objectif très largement atteint donc. Les données de l’UNICEM nous montrent que depuis quelques années la production française se stabilise autour de 5 tonnes par habitant et par an. Et pouvons nous trouver des projets abandonnés à cause d’une quelconque difficulté au niveau de l’approvisionnement en matériaux ? Non, bien sûr, la production est suffisante et les ressources exploitables pérennisées pour plusieurs décennies.
Nous avons vu que de nouvelles pratiques (réemploi, recyclage) associées à des changements techniques (utilisation du bois) et épaulées par une politique volontariste peuvent changer la donne. Nous avons su diviser par deux notre besoin en granulats entre 2003 et 2017 (source schéma départemental des carrières). Il faut continuer ! La roche n’est pas une ressource renouvelable, il n’y pas d’autre choix pour nous. Économisons et pensons enfin aux générations futures.
Aucun projet ne justifie le projet de carrière à Châteaugay
La pénurie annoncée (argument pourtant largement utilisée pour justifier les différents projets de carrière) n’a pas mis en péril le développement de l’agglomération de Clermont-Ferrand. Le schéma régional des carrières avait en 2014 des difficultés à trouver des grands chantiers justifiant la création ou l’extension de projets de carrières. Avec le recul, que 2020 nous permet, nous pouvons affirmer que la production de granulats, stabilisée comme nous l’avons vu à 5 tonnes par an et par habitant, est suffisante.
Au regard du contexte de crise économique, il est difficile d’évaluer les besoins à long terme. Des grands chantiers sont cependant envisagés : mise à 3*3 voies de l’A71, contournement sud-ouest de Clermont-Ferrand et ligne LGV.
Schéma départemental des carrières du Puy de Dôme, 2014
La mise en 3X3 voies de l’A71/75 est en bonne voie. La ligne LGV est un doux rêve pour Clermont-Ferrand, et même si elle finit par devenir une réalité, son tracé le plus proche passera par Vichy. Et ses granulats seraient fournis par la carrière de Cusset dans l’Allier, un monstre d’une capacité de production de 1 400 000 tonnes (aujourd’hui Châteaugay a une capacité moyenne de 120 000 tonnes, soit presque 12 fois moins). N’oublions pas non plus que le système s’auto-entretien. Ainsi l’enfer de la circulation routière à Cournon et Pérignat (600 camions par jour) est dû à l’exploitation des carrières. Ce qui nécessiterait la création de nouvelles routes. Qui nécessite des granulats. Nous tournons en rond (92 % de ces roches massives sont utilisées dans le cadre de travaux routiers).
Le trafic traversant le centre de Pérignat et de Cournon s’élève environ à 15 000 véhicules […]. La part du trafic poids lourd (PL) est importante : 4 à 5 %, soit 500 à 600 PL/jour. Une large majorité de ce trafic est liée aux activités de carrières de Pérignat/La Roche Noire, mais aussi de Saint-Julien-de-Coppel et de Saint-Jean des Ollières.
SCoT (Schéma de Cohérence Territorial du Grand Clermont)
Et nous vous rappelons que la situation actuelle à Châteaugay : 37 camions comptabilisés le 22 octobre 2019, en moins de 3 heures, en période de vacances scolaires ! Pour un volume de 120 000 tonnes de production actuelle. Imaginez l’enfer d’une production au delà des 300 000 tonnes. Faites réagir votre entourage à cette triste réalité qui se dessine pour tous les riverains ! Avec les abords de la D402 qui s’urbanisent, la situation deviendra invivable et dangereuse au quotidien. Notre calcul de 150 rotations par jour est viable, sans oublier l’activité liée au traitement des déchets du bâtiment : l’ISDI (anciennement dénommée décharge de type II).
Des exploitants toujours à la recherche de profits !
Alors que les porteurs du projet cherche à justifier la destruction du plateau de Lachaud avec des arguments à connotation écologique (le fameux circuit-court, la réduction des émissions de CO2 en pointe) la réalité est tout autre. Malgré sa proximité avec le chantier de l’élargissement de l’A71/A75 la carrière (actuelle !) de Châteaugay n’a pas fourni le moindre kilogramme de granulats ! La société APRR est une filiale d’Eiffage. Les matériaux de construction ne pouvaient donc être fourni par la carrière de Châteaugay, aux mains de Vinci, les profits avant l’écologie. La thématique du circuit court connait ses limites. Et il s’agit là d’une stratégie payante. L’année 2019 a été une année record en France concernant le versement de dividendes. Vinci se classe ainsi à la neuvième place avec 2.4 milliards d’euros distribués aux actionnaires (source Les Echos).
Ni ici, ni ailleurs, pas de nouvelle carrière à Châteaugay
Nous espérons que cet article documenté et étayé vous permet de mesurer que ce projet de nouvelle carrière n’est pas ancré dans la réalité. Et qu’il est déjà en décalage avec le futur qui se dessine. Les exploitants vont pourtant s’ériger en défenseurs de l’environnement. Leurs principaux arguments (circuit court, empreinte carbone, besoin en granulats) ne tiennent pourtant pas face à une analyse poussée et l’étude des nombreuses ressources documentaires. Il nous suffit de faire face et de dénoncer les discours rassurants des porteurs du projet.
Exigeons que la concertation annoncée ait lieu. Protégeons notre environnement. Établissons rapidement une politique véritable de développement durable.
Rejoignez nous. N’hésitez pas à nous rencontrer lors de nos réunions, aidez nous (les panneaux, la pétition, la cagnotte) et contactez-nous si vous avez des questions !
Ressources documentaires
Le site UNICEM, l’Union Nationale des Industries de Carrières et Matériaux de Construction.
Statistiques UNICEM. Le recyclage fonctionne, Lafarge. L’activité se contracte (granulats et matériaux), Batirama.
Le site de L’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie.
Un lycée en bois pour la métropole. Le bois contre la canicule, Batiactu. Un immeuble en bois à Paris, Le Figaro. 35 étages en bois, Batiactu.
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