Concertation préalable pour le schéma régional des carrières, nos remarques.
Bonjour à toutes et à tous, dans le cadre de la concertation préalable pour le schéma régional des carrières voici les remarques que nous avons envoyés au nom de l’association Préservons le Plateau de Lachaud et Châteaugay. Nous les retranscrivons ici sous forme d’article. Nous ajoutons aussi les liens permettant de télécharger les remarques envoyées par deux adhérents de l’association. Merci pour votre soutien.
Monsieur le Préfet,
Nous vous adressons nos remarques sur le projet de nouveau schéma directeur des carrières. Afin de nous placer au plus près de la réalité d’un dossier, nous allons projeter le dossier du plateau de Lachaud dans le cadre proposé au niveau du Schéma Régional des Carrières (SRC).
Paysage
Le projet de carrière sur le plateau de Lachaud est situé à proximité du bien de l’Unesco (1 km), site classé en sensibilité majeure et à faible distance de la chaîne des puys (sensibilité rédhibitoire). Le périmètre des propriétés foncières des exploitants de carrière est contigu à une zone Natura 2000 et
à des ZNIEFFS de type I et II. Enfin, il constitue avec les côtes de Clermont, le plateau de la Bade, un corridor vert au Nord ouest de Clermont. Le Schéma directeur des carrières permet-il d’intégrer toutes ces contraintes ?
Il est aussi important de noter les difficultés rencontrées lors des étapes, pourtant promises, de remise en état des sites. La commune de Châteaugay a ainsi vu en 2005 près de 10 hectares non remis en état, avec des justifications pas toujours acceptables :
- manque de matériaux.
- accord du propriétaire des terrains (l’ancien exploitant !).
- baisse des flux de camions (augmentation pourtant nié au dépôt du dossier).
- absence de détail concernant le niveau de remblaiement prévu au dossier.
Le SRC doit encadrer très fortement les remises en état. Il semble nécessaire de mettre en place une contractualisation stricte de la remise en état avec des contraintes financières fortes en cas de non-respect.
Préservation de la ressource en eau
Le plateau de Lachaud se situe au-dessus d’un vaste réservoir d’eau souterrain (plus de 150 millions de mètre cube selon un hydrogéologue consulté par notre association).
Des forages réalisés à l’automne 2020 dans le cadre de l’étude préalable et en ligne sur le site font apparaître que l’eau se situe à des profondeurs peu importantes (dès 7 m) au niveau de quasiment tous les prélèvements ! Les tirs de mines et le retrait de 10 millions de tonnes de matériaux prévu au cours des 30 premières années d’exploitation auront un impact absolument désastreux sur cette ressource.
La DDAF notait déjà en 2005, lors d’une demande d’extension de la carrière actuelle de Châteaugay :
« compte tenu des périodes de sécheresses existantes, des problèmes de recharge des nappes souterraines et la qualité des cours d’eau, il est regrettable de constater que la quasi-totalité de l’eau tombant sur l’emprise de la carrière va s’évaporer. »
Cette note résonne avec encore plus de force 15 ans plus tard, dans le contexte d’un changement climatique avéré.
Au niveau du SRC, comment seront évalués les risques « hydrologiques » et comment seront définis les critères pour valider l’autorisation d’exploitation ? Il semble tout à fait déraisonnable d’autoriser une carrière (elle-même grande consommatrice d’eau) qui prétend exploiter une épaisseur de 30 à 35 mètres de gisement. Il faut noter ici la campagne d’acquisition de données géophysiques initiée par le BRGM via le projet AEROVERGNE. Le plateau de Lachaud fait partie de cette zone de prospection et sa nature de château d’eau sera très certainement confirmée. Une autorisation d’exploiter donnée avant les résultats de cette étude nous semble une prise de risque inconsidérée dans le contexte actuel (épisodes de sécheresse qui s’enchaînent, prise de conscience de la fragilité de la ressource, bouleversements climatiques annoncés).
Etudes préalables à une autorisation d’exploitation
Nous avons constaté des défrichements importants sur des parcelles voisines du projet de carrière (phase 1), au moment de l’étude environnementale, au printemps 2019. Ces défrichements ont été
stoppés suite à la prise de contact de l’association avec le cabinet MICA, responsable de l’étude environnementale.
Comment le Schéma Régional des Carrières peut-il encadrer les conditions de l’étude afin de limiter l’impact de telles actions sur la faune et la flore ? Ces actions semblent délétères et incongrues durant la phase d’étude environnementale et sont en mesure de changer les résultats même du bilan environnemental.
La protection de la faune et de la flore
Le plateau de Lachaud abrite la laineuse du prunellier (Eriogaster catax, Linné, 1758) qui représente un intérêt écologique majeur et elle est donc très fermement protégée. Elle est ainsi listée parmi les espèces dont la destruction ou l’enlèvement des œufs, des larves et des nymphes, la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel sont strictement interdites.
Le CEN et le CPIE Clermont Dômes ont repéré la reproduction du Triton crêté sur des mares du plateau. La LPO Auvergne mentionne également la reproduction du Torcol fourmilier. L’enjeu principal reste la destruction des prairies sèches qu’il est impossible de reconstituer sur site.
On note aussi sur le plateau de Lachaud la présence de Lis Martagon ou de Véronique en épi, espèces protégées au niveau de l’Auvergne.
Le SRC devrait prendre en compte les enjeux faunistiques et floristiques existants (et reconnus) bien plus en amont et interdire les dépôts de dossiers dans ces zones aux enjeux majeurs.
Respect des diagnostics préalables du PLUM
Nous demandons que les remarques collectées suite aux réunions publiques organisées lors de la phase d’élaboration du PLU de la métropole soient prises en compte. Le plateau de Lachaud se distingue très nettement par plusieurs facteurs et se défini comme :
- une réserve de biodiversité, en zone naturelle.
- une qualité d’air qui contraste avec celle des zones urbanisées proches et qui ne trouve d’équivalent que dans la zone du bien UNESCO.
- une zone de quiétude à l’abri de la pollution sonore.
Le Schéma Régional des Carrières doit prendre note de ces éléments.
Les éléments majeurs du SCoT
Nous demandons que les engagements du SCoT soient tenus :
- préserver et entretenir les Coteaux de l’agglomération (les Côtes de Clermont-Ferrand, Mirabel, Champ Griaud, Gergovie, Bâne et Anzelle, puy de Crouël, Gandaillat,…) ainsi que les corridors écologiques qui les relient.
- protéger et valoriser les sites paysagers remarquables : ils correspondent aux reliefs d’agglomération, buttes et plateaux promontoires qui composent l’écrin paysager du cœur métropolitain.
- préserver l’écrin vert qui entoure ou pénètre le cœur métropolitain.
Le SRC doit intégrer ces engagements et les traduire par une interdiction systématique des exploitations dans ces zones.
Les zones de chalandise en trompe l’œil
Le chantier de mise à 3×3 voies de l’A71 démontre que la proximité d’un chantier avec une carrière n’entraîne pas le schéma vertueux présenté. Ainsi l’actuelle carrière de Châteaugay n’a pas fourni de matériaux pour ce chantier. Mais d’autres carrières plus éloignées oui. Dans notre cas, la société APRR est une filiale d’Eiffage, qui réalise les travaux. Les matériaux de construction ne pouvaient donc être fournis par la carrière de Châteaugay, aux mains de Vinci.
Le SRC doit prendre en compte la réalité des chantiers et des contrats qui lient exécutants et fournisseurs et ne pas uniquement baser la réflexion sur des calculs kilométriques.
Les besoins en matériaux
Les besoins en matériaux et la menace d’une pénurie sont des éléments forts qui servent de base à l’argumentaire des exploitants. Le SCoT note bien qu’une pénurie en matériaux pourtant crainte n’a pas eu lieu et mentionne que le porter à connaissance de l’État recommande de s’en tenir à une consommation inférieure ou égale à 7 tonnes par habitant et par an. Et nous pouvons aller plus loin, les données de l’UNICEM montre une production en forte baisse. De 9 tonnes par an et par habitant en 2003 (source SDC) à 5.5 tonnes en 2018. Et ceci sans pénurie qui aurait pu mettre en péril des projets d’aménagement du territoire.
La norme RE2020 va imposer un recours massif et quasi-systématique aux constructions bois, aussi bien pour le gros-œuvre que pour le second œuvre.
Si le SRC veut laisser transparaître une région bonne élève en matière de recyclage, il faut noter les très fortes disparités entre les départements. Et les taux de recyclage affichés prennent en compte les remblais de carrières. Alors que ceux-ci devraient être eux même recyclés ! Le Puy de Dôme est ainsi en dessous de la moyenne régionale avec 31% des matériaux effectivement recyclés (contre 70% en Haute-Loire). Notre département dispose ainsi d’une marge de progression substantielle.
Le SRC doit faire apparaître des objectifs ambitieux en termes de recyclage : le doublement des efforts actuels pour faire aussi bien que le département de la Haute-Loire.
Le Schéma Régional des Carrières doit prendre en compte l’absence de projet majeur d’aménagement du territoire. Le SRC ne doit pas minorer les objectifs de réduction des besoins en granulats. La norme RE2020, applicable dès l’été 2021, doit être immédiatement prise en compte dans les projections.
Les enjeux humains
Notre association est forte de près de 500 adhérents. Et ceci malgré les communications rassurantes de la municipalité de Châteaugay qui a porté le projet à ses débuts. Sans la vigilance de quelques citoyens qui ont su faire le rapprochement entre différentes informations distillées dans les
procès-verbaux des conseils municipaux ou dans les bulletins d’informations municipales, le projet de nouvelle carrière à Châteaugay serait aujourd’hui presque inconnu des habitants. Il a fallu attendre la
constitution de notre association pour que la municipalité communique.
Le SRC doit définir des procédures d’informations claires. Ces procédures seront systématiquement appliquées à chaque nouveau dépôt de projet et une information préalable doit être faite aux populations concernées. Les contrats de foretages signés (entre une entité publique et une entreprise
privée ou entre deux entités privées) doivent être systématiquement disponibles en mairie, avec une publicité assurée (affichages municipaux, bulletins d’information etc.) . De même que les acquisitions
foncières qui entrent dans les zones d’études des projets déposés.
Le trafic routier et la sécurité
Si le Schéma Départementale des Carrières note que la majorité des sites existants se situent loin des zones habitées, cela ne sera pas le cas du projet de nouvelle carrière à Châteaugay. La route M402 constitue la seule voie
d’accès à la carrière actuelle, et constituerait la seule voie d’accès pour le projet de nouvelle carrière.
La M402 est maintenant devenue un axe urbain, avec la construction de nombreuses maisons d’habitations. Le cheminement des camions s’effectue majoritairement sur des zones urbanisées, avec une limitation de la circulation à 50 ou même 30 km/h, à moins de 10 mètres des habitations.
Le SCoT dénombre ainsi 500 à 600 camions qui traversent tous les jours les centres urbains de Pérignat et Cournon. C’est étrangement bien plus que les simples additions des prévisions envisagées lors des dépôts de dossiers des carrières de Pérignat/La Roche Noire et de Saint-Julien-de-Coppel/Saint-Jean des Ollières.
Le Schéma Régional des Carrières doit inclure cette problématique, il n’est pas envisageable de maintenir une telle circulation de poids-lourds sur une voie urbaine. Les nuisances (bruits, poussières, vibrations) et les risques accrus en termes de sécurité routière ne seront pas acceptables pour les riverains.
Le SRC doit aussi imposer, (lors des dépôts de projets) que la projection du trafic routier engendré par les exploitations soit effectuée à partir de décomptes réels (une moyenne sur plusieurs semaines) effectués sur des carrières de même type et de tonnages équivalents.
Les autres enjeux
Concernant le plateau de Lachaud, on note une faiblesse des connaissances archéologiques. Le Schéma Régional des Carrières doit systématiser le recours aux services de l’INRAP pour effectuer des recherches
archéologiques préventives.
En conclusion
Nous faisons à la lumière de nos analyses et remarques synthétisées dans ce document, une lecture différente de la comparaison des différents scénarios régionaux élaborés (page 158 ). Les ambitions et les marges de progression en termes de recyclage, le recours massif au bois imposé par la norme RE2020 nous paraissent fortement minorées. Une application de ces objectifs et le scénario n°4 (une interdiction systématique de renouvellement-extension de l’exploitation de matériaux dans les secteurs présentant pour tout ou partie un niveau de sensibilité rédhibitoire et/ou majeure) ne conduirait pas à une rupture de l’approvisionnement comme le suggère le document. Le scénario préconisé (n°5) laisse un blanc-seing
aux exploitants. Ceci nous paraît aujourd’hui inacceptable et le SRC semble oublier dans son analyse que la ressource exploitée n’est pas renouvelable. L’économie de son utilisation doit commencer dès maintenant (dès l’été 2021 comme l’entend la RE2020 !). L’épouvantail de la pénurie a déjà été agité, et le SCoT a bien noté la faiblesse de cet argument.
En conclusion, pour le dossier que nous avons travaillé, nous trouvons que les contraintes présentes au niveau du Schéma Régional des Carrières laissent de grandes marges de manœuvres aux exploitants : le projet de nouvelle carrière sur le plateau de Lachaud n’aurait jamais dû être initié.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, à notre profond respect.
L’association “Préservons le Plateau de Lachaud et Châteaugay”